Homélie pour le 7e dimanche du Temps ordinaire – 18 février 2023
Lévitique 19, 1-2.17-18 / Psaume 102 (103) / 1 Corinthiens 3, 16-23 / Matthieu 5, 38-48
La Victoire de l’Amour!
L’Évangile de ce dimanche nous rejoint à la veille du 1er anniversaire du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie. Depuis un an, nous suivons les mouvements de cette sale guerre en temps réel. Nous en voyons l’horreur. Nous ressentons les malheurs qu’elle produit. Notre sympathie va d’emblée vers les victimes. C’est une folle aventure! Nous ne savons pas comment ce conflit pourra finir. Et pour quel lendemain ? À moins d’une conversion surprenante des mentalités, il faudra le miracle d’une guérison collective qu’on peut toujours espérer, celle des autorités politiques notamment. La situation présente nous dépasse! Il nous reste la prière!
À plus petite échelle, il y a de ces conflits qui existent entre nous, et qui eux aussi n’en finissent plus. Un rapport de force s’établit parfois, qui nous maintient dans un état de guerre avec telle personne: et c’est le mépris, l’humiliation de l’autre, la peur de l’autre, la fuite, sans que jamais rien ne soit réglé.
Le Seigneur nous indique aujourd’hui la meilleure façon de nous en sortir. C’est d’aimer l’autre. Même s’il se dresse devant nous comme un agresseur. L’aimer pour vrai. Considérer que sa personne vaut plus que ses armes, plus que sa haine et son mépris, plus que la volonté qu’il a de nuire ou de détruire. Il ne faut pas permettre à mon ennemi de détruire mon amour pour lui, pour elle. L’aimer, cela veut dire respecter l’autre, prier pour lui ou pour elle, lui pardonner, ne pas l’offenser en retour même de son offense; c’est lui vouloir du bien.
Quel paradoxe ! Jésus nous demande de surcompenser l’offense qui nous est faite. Aimer même notre ennemi jusqu’à déborder de générosité à son égard; le confondre de miséricorde et de pardon. Croire en la force et la victoire finale de l’Amour. Croire en la bonté naturelle de l’autre. Parce qu’il est enfant de Dieu, marqué à son image, je me dois d’être bon pour lui, d’honorer ce qui en lui appartient à notre Père du Ciel.
Une jeune femme me disait récemment quelle différence cela avait fait dans sa vie personnelle que de prier pour celui qui l’avait agressée. Elle n’acceptait pas le geste porté contre elle, bien sûr. Elle en avait toujours honte pour elle-même et pour lui. Mais, prier pour son agresseur, c’était ce qui la sauvait. Elle en retrouvait sa dignité, sa force intérieure, sa liberté profonde. Elle trouvait dans sa prière une paix immense.
Jésus nous appelle, en fait, à un dépassement de nos normes et réactions spontanées. Il nous presse de nous comporter comme lui, en fils et filles du Père; d’être des personnes libres qui ne sont pas véritablement atteintes dans leur dignité fondamentale par celui ou celle qui les offense. Ils ne se laissent pas détruire par lui. On n’y arrive pas tout seul ni tout d’un coup, il y faut du temps, il y faut surtout l’aide de l’Esprit, cet Esprit filial qui nous est donné d’en-haut, Esprit d’unité et de paix, Esprit de force, de fidélité et d’amour.
C’est grâce à cet amour filial et fraternel profondément enraciné, ancré en nous, que nous pouvons échapper à la spirale de la vengeance et de la violence. Il nous donne de pencher du côté de la patience, de l’indulgence, du pardon, dans une charité qui nous fait accepter de perdre et de donner pour gagner, pour gagner des frères et des sœurs. Il aura suffi d’un peu de miséricorde, de compassion, d’un pardon véritable. Le Christ qui nous appelle à celà, nous en a donné l’exemple devant ceux qui l’ont persécuté. En lui l’amour a été le plus fort. C’est jusque là que nous pouvons le suivre et vivre avec lui.
Que l’Eucharistie que nous célébrons ensemble nous donne de puiser à la grâce du Fils bien-aimé, à la source de l’Amour infini qui nous met en communion avec le Père, le Fils et l’Esprit, et les uns avec les autres, dans la paix, la joie, la lumière de Pâques.
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC