Homélie du 6e dimanche du Temps ordinaire – 12 février 2023
Ben Sira le Sage, 15, 15-20 / Psaume 118 (119) / 1 Corinthiens 2, 6-10 / Matthieu 5, 17…37)
Au cœur de notre amour!
« Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » Les scribes et les pharisiens étaient la haute classe de la société juive. Ils étaient les gens instruits, performants quant à l’exacte observance des lois religieuses. Ils savaient quoi faire et comment le faire, du moins pour être bien vus, pour être jugés conformes et exemplaires. À voir les choses de l’extérieur, on ne pouvait pas demander mieux, ni même les prendre en défaut.
Entendons-nous bien, il s’agit ici, non pas de tel ou tel individu, mais d’un modèle de comportement que Jésus dénonce. Jésus ne donne pas à ce modèle le premier prix. Pour lui, ce n’est vraiment pas comme ça qu’on entre dans le royaume des Cieux, dans ce monde nouveau dont il a mission de nous révéler l’existence, ce monde dont il nous dit comment il nous faut être pour y entrer.
Le comportement des scribes et des pharisiens a beau être parfait sur les détails, irréprochable même dans l’application extérieure de la loi, Jésus n’en est pas satisfait. Il s’attend à mieux et à plus. Pour lui, il s’agit d’en arriver à une fidélité plus profonde. Il cherche de l’âme, de l’intériorité, le cœur des gens, sans quoi les fidélités extérieures risquent d’être un mensonge, une caricature.
Un attachement rigide aux seuls détails extérieurs de la Loi en venait parfois à jeter du mépris sur les petits et les pauvres, sur les ignorants, sur tous ceux qui n’arrivaient pas à performer autant. Et cela, c’était contraire au rêve de Jésus. Il prêche, quant à lui, un monde fraternel, un régime d’amour, de charité et de liberté, un monde juste et miséricordieux. Ce sont là des valeurs d’intériorité, de bonté et de transparence qui mettent l’accent bien ailleurs que sur une conformité tout extérieure telle que prônées par l’enseignement et la pratique des scribes et des pharisiens.
Le Seigneur nous demande d’être responsables et authentiques. C’est ainsi qu’il nous conduit au cœur de nos pensées et de notre vouloir, pour y faire briller une loi nouvelle, la lumière de l’Évangile. « On vous a dit : tu ne tueras pas. Moi de vous dis : déjà la haine dans votre cœur est un homicide. On vous a dit : pas d’adultère! Moi, je vous dis : déjà un regard appuyé sur une autre femme, c’est être adultère avec elle. » Jésus nous fait passer au niveau plus personnel et intime de nos intentions, en deçà même de notre agir extérieur.
Si autrefois nous en étions à une morale de conformité et d’obéissance aveugle, Jésus nous parle aujourd’hui d’un engagement personnel, celui du cœur et de l’esprit. Cela ne veut pas dire un stripetease de nos états d’âme et un étalage extérieur de tous nos secrets. Bien au contraire, la discrétion est toujours de mise. « Notre Père du Ciel voit dans le secret, et cela suffit. » Ce qui compte, c’est d’être vrai et sincère avec soi-même en sa présence.
Nous savons que nous ne sommes pas seuls pour porter ce poids de la fidélité et de l’amour véritable. Le Christ lui-même nous offre de communier à l’Esprit de Dieu, de puiser à la source divine de l’Amour dans laquelle le baptême nous a régénérés. À chacun de nous d’accueillir les dons de Dieu et d’en vivre. C’est là un puissant recours pour aller au quotidien notre chemin d’amour, de fidélité et de liberté, quoi qu’il puisse nous arriver d’épreuves et de souffrances. Nous vivons alors plus que nous-même, nous vivons le Christ en son mystère pascal. En lui nous sommes établis en communion avec le Père et l’Esprit. Notre consolation, c’est d’entrer, à terme et déjà, dans la paix et la joie du royaume des Cieux.
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, Q