Homélie pour la Fête du Christ, Roi de l’Univers – 20 novembre 2022
2 Samuel 5, 1-3 / Psaume 121 (122) / Colossiens 1, 12-20 / Luc 23, 35-43
Une Royauté bien particulière!
« On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer » Oui, on vient encore de crucifier Jésus et nous restons là à observer… Nous le voyons encore être bafoué et méprisé dans les petits et les pauvres. Nous le voyons encore souffrir dans les malades et les estropiés de la vie, les victimes de la guerre, les victimes de tous les malheurs du monde. Nous regardons le spectacle de ceux et celles qui méprisent les autres, qui profitent de leurs fragilités, qui abusent des plus faibles. Nous voyons aussi le mal qui s’en prend à nos cœurs, à nos pensées, à nos rêves, à nos espoirs déçus.
Oui, nous sommes encore ramenés à l’instant tragique du Christ en croix, au seuil de son grand passage; et nous observons tous ceux et celles qui s’acharnent sur lui, sur le pauvre et le petit, sur le monde de la souffrance, sur ceux et celles qu’affecte la bêtise humaine, sur les victimes des injustices et de tous les malheurs.
Nous ne sommes pas insensibles à l’argument des chefs qui sont là, et qui se disent : « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même… Qu’il fasse ses preuves, c’est le temps! » Peut-être avons-nous déjà opiné dans ce sens?
Nous observons aussi les soldats qui font leurs commentaires cyniques : « Toi le Roi, sauve-toi toi-même. Ne nous laisse pas te faire tout ça. Regarde ce qu’ils ont écrit en haut de la croix : CELUI-CI EST LE ROI DES JUIFS. Quel pauvre roi tu fais! » Et ce misérable à côté de lui. Du fond de sa propre misère, il ose lui aussi l’insulter : « N’es-tu pas le Christ? Alors sauve-toi toi-même, et nous aussi! » N’est-ce pas là un peu le gros bon sens qui parle? Hélas, le mystère lui échappe!
Devant toutes ces prises de parole, nous observons que Jésus se tait. Il ne dit pas un mot. Il ne va pas répondre à l’insulte et à la maltraitance par l’insulte et les gros mots. Il n’a pas la rage au cœur. Non! Il reste tel qu’en lui-même, apaisé, déterminé, abandonné à Celui en qui il a mis tout son amour et sa confiance. Il ne s’étonne donc pas ni ne se fâche de nos incompréhensions, de nos peurs, de notre ignorance.
Et c’est sur le dernier intervenant que nos yeux et nos oreilles maintenant s’attardent pour le voir et l’entendre en l’humble confession de ses fautes, en sa lumineuse profession de foi et d’espérance. Il faut l’observer attentivement, jusqu’à entendre la merveilleuse parole qu’il profère, jusqu’à percevoir le regard de confiance qu’il porte sur son voisin de peine, dans une complicité inespérée : « Jésus, Jésus, toi le monsieur à côté de moi, avec moi dans la peine et la détresse. Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Rappelle-toi que nous avons souffert ensemble, toi à côté de moi, moi avec toi. Tous les deux, ensemble. Moi je souffre, c’est ma punition, je l’ai bien méritée. Toi, tu n’as rien fait de mal. Et tu souffres… pour moi, pour lui, pour tous. Je le comprends. Je le vois. Emporte-moi, emporte-nous avec toi quand tu viendras dans ton Royaume! »
Vient alors la réponse attendue, que tous ceux et celles qui observent peuvent entendre, et qui atteste d’une merveille. Elle ouvre grande la porte qui va laisser passer tout le monde qui lui ressemble : « Amen, je te le dis, c’est certain, c’est décidé : aujourd’hui avec moi, tu seras dans le paradis. »
De quel AUJOURD’HUI il parle? D’un aujourd’hui extraordinaire qui dure encore et va durer toujours. AUJOURD’HUI, désormais, la porte est ouverte qui nous invite à passer dans le monde nouveau de la paix, de la joie, de l’amour guéri et sauvé. AUJOURD’HUI pouvoir vivre de cette grande espérance! Un immense et puissant rayon de soleil pénètre la scène triste et accablée de notre monde en détresse. Tout devient promis à une étonnante transformation; tout s’ouvre sur une possible guérison, celle que procure la foi en la promesse du Christ. Lui le juste, qui n’a rien fait de mal, il a porté sur lui notre peine, notre péché, notre souffrance. Il tient les clés du Royaume de son Père. Amoureusement il nous en ouvre la porte, il le fait pour tous ceux et celles qui humblement voudront bien en appeler à sa mémoire, à son bon souvenir, au don sacré qu’il nous a fait de sa propre vie.
Fr Jacques Marcotte, O.P
Québec, QC