Homélie pour le 5e dimanche du Temps ordinaire – 7 février 2021
Job 7, 1-4.6-7 / Psaume 146 (147) / 1 Corinthiens 9, 16-19.22-23 / Marc 1, 29-39
Emportés par l’Évangile !
Vous avez certainement déjà observé le jeu des vagues sur un plan d’eau. Supposons la surface calme d’un étang, et qu’on y jette un caillou. On voit tout de suite, à partir du point « zéro », le point de chute, une onde se former et s’étendre en cercles successifs sur toute la surface disponible. Le train des vagues, avec une fréquence et une amplitude, variant selon l’importance de l’impact initial, finit par rejoindre les rivages même les plus éloignés.
L’Évangile que nous venons de lire nous présente la Bonne Nouvelle du Christ en expansion, comme une onde qui se propage. Il y a d’abord le point de départ, très local et isolé à première vue, d’une maison. Puis vient une première bordée qui touche toute la ville de Capharnaüm. Enfin la vague généreuse et forte de l’Évangile prend de l’élan pour rejoindre les villages des alentours, et même toute la Galilée. Suivons le mouvement du récit et nous y verrons l’Évangile en expansion dans le monde!
« Aussitôt sortis de la synagogue, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et André », C’est le jour du sabbat. Le temps sacré du repos. Le temps de l’intimité et de la convivialité. Le temps de prendre soin les uns des autres. Quelqu’un est malade? On en parle à Jésus qui se fait proche : « Il saisit la malade par la main et la fait lever. » Elle reprend ses fonctions d’hôtesse et elle se met à servir les invités. Nous avons là l’image de la communauté ecclésiale, où tous nous sommes guéris par le Christ, ressuscités avec lui et désormais en état de service les uns à l’égard des autres. Et c’est le rêve accompli d’une vie simple, humble et joyeuse, pleine d’amour et de paix pour tous.
Or, les choses n’en restent pas là. L’Église ne s’enferme pas dans le convivial et le privé, derrière des portes closes. La scène se déplace. La communauté s’ouvre à tout le milieu ambiant. « Le soir venu, après le coucher du soleil – ce n’est donc plus le Jour du Sabbat – on amène à Jésus tous les malades et les possédées. » Et c’est l’interminable
séance de guérison, de libération. L’onde de choc est lancée. C’est le rayonnement, le décentrement : la sortie s’amplifie. Il y a tellement à faire pour le bonheur et le relèvement de tous ces gens. Les portes s’ouvrent sur la file interminable de ceux qui ont besoin. Jésus est là. On peut penser que les disciples s’activent à ses côtés, improvisant gestes et paroles d’encouragement, d’entraide. C’est aussi l’image de nos sociétés en quête de meilleurs soins de santé, d’une meilleure éducation, de services sociaux plus adaptés, d’une économie plus saine, d’un monde plus juste et plus fraternel. Le Christ et ses disciples et tous les gens de bonne volonté s’y intéressent activement. C’est une vague en expansion qui apporte justice et partage, sens et lumière, joie et liberté, concorde et communion.
Et voici le lendemain, dans le calme du matin, le temps nécessaire de la prière et de l’intériorité. Pour y trouver des forces neuves, s’enquérir de la volonté du Père. Serait-ce pour un retour dans le même village? Non! Jésus le dit avec force. S’Il est sorti, c’est pour aller ailleurs et plus loin. La Bonne Nouvelle est pour tout le monde. Le projet d’humanisation qu’elle dessine ne fait pas de « sur place ». Elle n’a pas de limite. Elle n’est pas le privilège de quelques-uns. Elle est pour tout le monde. Elle ne saurait s’arrêter tant qu’elle n’a pas rejoint tous les milieux, tous les temps, tous les gens. Tant mieux si notre époque et celles qui viennent sont, elles aussi, évangélisées. Peut-être y aura-t-il des interférences? De ces moments où la diffusion a l’air de se perdre? Mais le Christ et ses disciples sont toujours là, à pied d’œuvre, pour le service de l’Espérance du Royaume. La Bonne Nouvelle est en expansion, qui offre à chacun et chacune de vivre plus d’amour et de fraternité, de se mettre au service de la paix et du Salut pour tous. L’Évangile appartient à toute l’humanité. Le Christ nous entraine dans le chantier immense d’un monde toujours à bâtir. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile! » nous rappelait Saint Paul. « C’est une mission qui m’est confiée… Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. »
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC