Homélie pour le Troisième dimanche du Carême – 12 mars 2023
Exode 17,3-7 / Psaume 95(94) / Romains 5,1-2.5-8 / Jean 4,5-42
« Si tu savais le don de Dieu ! »
« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ? » (Jean 4, 29)
La femme de Samarie n’avait rien demandé à Jésus. Peut-être voulait-elle seulement qu’il s’en aille, qu’il ne soit plus là? Elle était venue seule au puits pour y puiser de l’eau, en plein soleil de midi, à la cachette, quand tout l’monde au village faisait la sieste.
« Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » C’est ce qu’elle retient de cette rencontre étrange qu’elle a vécue, et qui l’a rejoint en profondeur dans sa vie personnelle. Un dialogue qui a construit en elle la foi au Christ. Le témoignage de cette femme va remuer tout le village par la suite et en amener tout son monde à Jésus. Elle qui était venue puiser à la source de son ancêtre, le patriarche Jacob, elle rencontre Celui qui est la source d’une eau vive, capable d’étancher sa soif, d’abreuver de lumière, de paix, de vie nouvelle tous ceux et celles qui en boivent.
Nous avons tous le souvenir d’une ou deux rencontres particulièrement significatives dans notre vie. Une ou deux rencontres plus ou moins fortuites de quelqu’un qui nous a impressionné par son attitude à notre égard, qui s’est introduit dans notre existence avec bienveillance et amitié, et qui a su percer notre carapace, nous rejoindre au cœur, nous dire nos vérités. Ce quelqu’un nous comprenait. Il nous démasquait jusqu’à l’intime de l’être. Nous en avons gardé l’heureux souvenir d’un contact qui fut pour nous un moment d’éveil à nous-même, d’une influence bénéfique qui porte des fruits durables dans notre vie. Ainsi en est-il pour cette femme de Samarie.
Revenons à son histoire! Ce que Jésus tout simplement lui dit d’elle-même aurait dû lui faire honte. Elle aurait pu se braquer et envoyer promener ce monsieur qui lui faisait la leçon. Qui avait l’air d’en savoir trop sur elle. Non! elle comprend qu’il lui veut du bien.
Qu’il ne la juge pas ni ne la condamne. Jésus constate seulement avec elle qui elle est, où elle en est, ce qu’elle a fait de sa vie jusqu’à maintenant, ce qu’elle pourrait en faire dorénavant. Il la mène à un point tournant, pour une conversion. C’est comme s’il lui donnait de puiser en elle-même la ressource d’une grande espérance. Il la révèle à elle-même. Il lui donne le goût de se reprendre en main. De se laisser inonder de lumière. De se laisser guérir profondément par Celui qui lui parle.
Jésus lui redonne confiance. Il change ainsi le parcours de vie de cette femme. Tout cela dans la vérité d’un dialogue bienveillant, libérateur, qui remplit son cœur de paix et de joie. Jésus la remet en force, non pas seulement dans sa tête, mais aussi dans son cœur, dans tout son être. Jusqu’à la faire sortir d’elle-même, de sa prison intérieure, pour aller retrouver les siens et leur dire, sans retenue, avec audace et une franchise inouïe : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » Il a lu dans mon cœur. Il me connaissait. Il m’aime par-delà mes fautes! Allez le voir vous-mêmes!
Jésus vient, aujourd’hui peut-être, à notre rencontre pour un dialogue intérieur. Puissions-nous y venir nous aussi. À ce rendez-vous en plein midi, il nous apprend qui nous sommes. S’il nous dit tout ce que nous avons fait, ce n’est pas pour nous condamner, mais pour nous montrer une issue de paix, de lumière, de miséricorde et de pardon.
Si nous pensions que notre vie allait finir là, dans la tristesse, dans le regret et la lourdeur quotidienne, Jésus nous dit que non, il nous ouvre à des perspectives nouvelles. Il ouvre en nous une source qu’il alimente lui-même de sa grâce pascale, de vie divine, de la force de l’Esprit, de la joie du Père.
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC