Homélie pour le 4e dimanche du temps ordinaire – 30 janvier 2022
Jérémie 1, 4-5.17-19 / Psaume 70 (71) / 1 Corinthiens 12, 31 – 13, 13 / Luc 4, 21-30
Aller chacun notre chemin!
« Passant au milieu d’eux, il allait son chemin. »
Pour chacun, chacune de nous, les expériences de l’enfance et de l’adolescence furent déterminantes pour la suite de notre vie. Ces expériences nous ont marqués. Pour les uns, elles furent peut-être un enchainement de bonheurs quotidiens, simples et sans histoire. Mais pour biens d’autres, des moments de crise sont venus, des seuils à franchir, qui furent éprouvants : l’expérience douloureuse du rejet, de la risée qui tue, ou qui étouffe et fait pleurer, la peur des autres qui paralyse et rend l’existence insupportable. De tels traumatismes durent longtemps parfois. Comme des blessures profondes, ils peuvent empoisonner la vie jusqu’à l’âge adulte. Certains arrivent mal à contenir les émotions vives du ressentiment et de la colère. Tels compagnons ou telles compagnes d’autrefois nous ont terrorisé. Le rejet, la persécution, l’incompréhension, ont laissé en nous des traces qui ne s’effacent pas facilement.
La Parole de ce dimanche, au livre du prophète Jérémie, dans la lettre de Paul aux Corinthiens et dans l’Évangile de Luc, évoque les divers âges et situation de la vie humaine, et elle nous interpelle dans l’aujourd’hui de notre maturité de croyants et de croyantes.
C’est au carrefour de l’âge adulte que nous retrouvons Jésus, dans ce qui nous est donnée comme sa première confrontation avec le monde de Nazareth, le village de son enfance, où son retour, attendu, suscite un étonnement qui tourne au vinaigre. Les gens vont même se retourner contre lui jusqu’à vouloir l’éliminer. Jésus fait alors l’expérience de relations humaines perturbées, marquées de préjugés, de jalousie, de peur. Des sentiments qui faussent le regard qu’on porte sur lui et qui suscitent chez les gens de la méfiance.
Jésus, dans la lumière de l’Esprit, sait ce qui se passe dans les cœurs. Il anticipe le procès d’intention qu’on veut lui faire. Il constate avec justesse l’attitude d’incroyance des gens à son endroit. Ce qui aurait pu être une chance pour eux d’entrer dans le Mystère du Christ devient une occasion d’éloignement et de rejet à l’égard de Celui qu’ils reconnaissent comme le simple fils de Joseph. Ils ne l’écoutent pas. Ils ne veulent plus l’entendre. Leur idée est toute faite. Ils s’enferment avec leurs préjugés, derrière une incrédulité qui les empêche d’accueillir l’Envoyé de Dieu, de saluer le Messie de Dieu. Bien plus ils veulent le chasser, l’éliminer. Il dérange trop! Jésus leur tient tête. Il prend la place qui est la sienne. Il ne craint pas de confronter ces gens, au risque de leur déplaire, de s’attirer leur mépris.
Ce qui se passe ici ira très loin, on le sait. Ça ira jusqu’à la Passion et la Mort de Jésus sur la Croix. Mais lui – sans fléchir – fait déjà la preuve de la vérité de son être. « Passant au milieu d’eux, il allait son chemin. » Ce geste nous fait le signe de Pâques. Il nous dit que le Père veille sur son Fils. Il annonce la Résurrection prochaine. Il nous ouvre les yeux sur nous-même. Il nous prépare, dès aujourd’hui, une liberté nouvelle. Il prononce la fin de nos enfermements. Il nous invite à quitter nos peurs et nos paralysies avec la force de ce même Esprit qui pousse Jésus sur son chemin d’Évangile pour l’annonce du Règne de Dieu.
Paradoxalement ce qui était d’abord un chemin d’éloignement, de discorde et de mort, devient un chemin de retrouvailles, de réconciliation, de paix et de confiance grâce à Celui qui nous a tous aimés jusqu’à se livrer pour nous. Le parcours du Seigneur n’est-il pas la preuve que nous ne sommes pas prisonniers de nos malheurs anciens? Ne pouvons-nous pas le suivre dans la foulée de son Passage qui est compassion, miséricorde et pardon? Rejeté, Jésus s’est laissé faire. Il a ainsi payé le prix de sa libération et de la nôtre; il a mis son sacrifice dans la balance, pour que nous soyons tirés du mal, du ressentiment, de la colère, de tout esprit de vengeance et de peur. Rendons grâce pour cette belle Espérance de vie, de liberté, d’un bonheur tout à la joie et la paix de l’Amour, de la Miséricorde et du Pardon!
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC